Par Mme Kahina Boudedja Conservatrice du patrimoine au MaMa
Dix années se sont écoulées depuis la disparition de l’artiste, peintre et poète Abdelouahab Mokrani qui a marqué de son temps, revient à travers ses nombreux adeptes qui l’ont toujours dans le cœur et leurs mémoires à jamais.
Une perte prématurée presque dictée par une volonté accrue de rejoindre ceux dont il n’a jamais su se résigner à l’absence. Pour rendre hommage à la profondeur de son âme et à la subtilité de son œuvre. Nous vous convions à une exploration d’un témoignage artistique majeur, reflet d’une période particulièrement tourmentée de sa vie.
Cette peinture de technique mixte sur papier, signée Mokrani, conservée aujourd’hui dans la collection du MaMa, fut réalisée en 1986, quelques mois après la disparition de son mentor, M’hamed Issiakhem que beaucoup considèrent comme son père spirituel.
Bien qu’elle soit dépourvue de titre, cette œuvre demeure d’une éloquence poignante. Elle révèle avec acuité l’état psychique de Mokrani au moment de sa création. Dominée par des tons bleus profonds imprégnés de nuances sombres, elle exprime une mélancolie et une tristesse saisissantes, échos des affres intérieures de l’artiste.
Ce recours à une palette mélancolique n’est pas sans rappeler d’autres grands noms de l’histoire de l’art, tels Picasso, dont la fameuse période bleue qui succéda au décès tragique de son ami Carles Casagemas, ou Van Gogh, qui peignit Le Portrait du docteur Gachet dans un contexte de profonde dépression à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence.
Selon les témoignages de son entourage, Mokrani, apprenant l’issue fatale de la maladie de son mentor, se cloîtra dans l’obscurité et l’isolement de sa chambre, ne laissant pour tout lien avec l’extérieur qu’une fenêtre ouverte sur la mer. Cette retraite introspective donna naissance à une série de figures figées dans des tonalités bleues, inspirées de l’azur maritime, à la fois consolateur de sa solitude et miroir de sa mélancolie.
Elle témoigne également d’une neurasthénie presque chronique, que Mokrani nourrissait sans cesse par la récitation des vers du Spleen de baudelaire, devenue pour lui une sombre et fidèle compagnie.
Contribution de Mme K. Boudedja, Conservatrice du patrimoine au MaMa
Erratum:
Toutes nos excuses auprès de nos lecteurs et lectrices au sujet de confusion entre m’hamed Issiakhem et Mokrani, décédé le 3 décembre 2014 est l’ élève de feu m’hamed Issiakhem. décédé le 1 décembre 1985. Une erreur qui rappelle également l’inoubliable chantre de la peinture algérienne M’hamed Issiakhem.