Rencontré à l’occasion du SICAN 2024, ou il a animé une conférence sur la sensibilisation et la formation au dépistage du cancer au profit des médecins généralistes à la safex, Pr Kheiredine Chetibi, urologue, chef de service au CHU Annaba, qui dégage un sens d’écoute et de communication qui soulage à la fois, a bien voulue répondre volontiers à plusieurs questions d’actualités à commencer par le dépistage, la formation des médecins généralistes, la prise en charge du cancer de la prostate homme qui occupe la deuxième place au niveau national.
Algerie62 : Pr Chetibi, voudriez-vous nous expliquer exactement, c’est quoi le cancer de la prostate et quelles en sont les causes de cette maladie ?
Pr Kheireddine CHETIBI : Tout simplement, la prostate est un organe qui existe exclusivement chez les hommes et chez quelques animaux. La prostate et en contact directe avec l’appareil urinaire. Pourquoi il y a la prostate et l’appareil urinaire, parce que le canal par lequel, on vide la vessie qui s’appelle l’urètre, passe dans la prostate. Donc, tout changement qui passe au niveau de la prostate donne des symptômes urinaires.
La deuxième notion sur laquelle il faut insister, c’est que la prostate, elle est siège d’un cancer redoutable, qu’on appelle cancer de la prostate. Pourquoi redoutable, parce que, le cancer est très fréquent. Il survient généralement à partir de 50 ans et parfois même avant chez des membres de la famille qui ont un cancer de la prostate ou bien du sexe féminin qui ont le cancer de l’ovaire ou du sein. Ça devient vraiment un risque familial. Donc, il y a deux risques familiaux ou de l’âge et de l’Afrique Noire qui peut être aussi un facteur de risque.
Donc, si le cancer survient au niveau de la prostate, ça devient lent et va mettre du temps à évoluer. C’est quelque chose de bien et pas bien. Pas bien, parce que pendant ce temps-là, ça peut se transformer en quelques choses de méchant d’où la notion et l’importance du dépistage précoce. Il y a des outils simples pour pouvoir évoquer au moins ou de justifier la biopsie. On fait une analyse du sang qu’on appelle PSA, on fait un examen clinique, on va toucher la prostate. Si on trouve des éléments qui nous orientent vers quelques choses de suspect, on fait la biopsie. Maintenant, depuis 2018, on fait l’IRM. Parce que l’IRM donne plus de précisions.
Quel est le taux élevé de la PSA qui devient dangereux ?
Déjà, il faut dire que la prostate et le PSA ne signifient pas obligatoirement le cancer. Le PSA augmente dans plusieurs situations en plus de la situation du cancer. En matière de cancer, le PSA augmente rapidement et avec des taux très élevés. D’après les études qui ont étés faites dans le monde, le taux inférieur à 4 nanogrammes/ML. Mais, lorsque on a plus de 4 ng, il ne faut pas s’inquiéter d’emblée. Parce qu’il y a d’autres éléments. Ça peut être une infection, une inflammation, ça peut augmenter le taux de PSA. Ça peut être aussi une grosse prostate qui fait augmenter obligatoirement le PSA.
Est-ce qu’on peut dire, qu’il y a une véritable prise en charge des patients atteints du cancer de la prostate en Algérie ?
On a beaucoup évolué en Algérie. Je peux dire sans hésitation qu’on a tous les moyens. Ce qui manque, c’est l’organisation et la manière de prioriser la prise en charge de certaines situations par rapport à d’autres. Si on arrive à travailler en multidisciplinaire d’une manière efficace, travailler en réseau, est savoir qu’elles sont les choses qu’on peut donner à un patient à un moment donné, à un endroit donné, je pense qu’on va gagner le deal et on va gagner le défi.
Pensez-vous justement que cette évolution entre dans le cadre de la mise en place du plan national contre le cancer ?
Le plan national de lutte contre le cancer est un projet magnifique, un projet de souveraineté et de politique nationale. D’ailleurs, il est suivi et parrainé par le président de la République. Du coup, le problème du dépistage, ce n’est pas comme le problème du Cancer de la prostate seulement, mais, c’est aussi pour tous les autres cancers comme le colorectal, le sein et le col de l’utérus etc.
Peut-on revenir au sujet de votre conférence qui porte sur la sensibilisation et la formation des médecins généralistes à la question du dépistage du cancer ?
C’est une armée assez puissante. Le médecin généraliste est une pierre angulaire de toutes prises en charges. Parceque, ils sont en avant-garde. S’ils sont bien formés, c’est eux qui peuvent atteindre les objectifs pédagogiques de la formation colle aux besoins, aux vrais problèmes dont souffre la population au plan de la santé. Je pense qu’ils vont nous fournir un service et une prestation sanitaire sans limites pour pouvoir poser le bon diagnostic au bon moment.
Des médecins généralistes. Veulent suivre une formation dans le dépistage du cancer. Ou doit on s’adresser ?
Malheureusement, au jour d’aujourd’hui, nous n’avons que des formations occasionnelles. Mais, il faut quelques choses d’institutionnelles. Institutionnelle, veut dire un programme pédagogique, étudié par des experts de la formation et de la pédagogie pour répondre à des besoins. On ne peut pas former tous les généralistes à la même question ou bien aux mêmes questions. Donc, il y’aura certainement des priorités et des choix et peut être même une certaine répartition géographique.
Beaucoup de questions se posent aujourd’hui sur la situation et l’évolution de la médecine gratuite en Algérie. Chacun donne sa version des faits. Qu’en pensez-vous à ce sujet en tant que spécialiste ?
Je pense qu’on peut ouvrir un débat au niveau sociétal dans notre pays. Il y a beaucoup d’éléments à revoir. Il faut discuter. Mais, avant cela, il y a un préalable incontournable qui passe par un état des lieux qui doit être basés sur des chiffres rationnels qui reflète réellement la réalité. Il faut la participation de tous. Parceque, lorsque l’on parle d’un système de santé, c’est un tout, à la différence d’un système de soins. C’est-à-dire, on s’occupe de la santé d’un individu depuis sa naissance, depuis même le ventre de sa maman jusqu’au causes de son décès, jusqu’à son alimentation, le stresse au milieu du travail, son transport et tout ça. Le stresse lui-même est générateur de problèmes de santé organiques.
Nous avons constaté qu’il y a une forte pression sur les hôpitaux et cabinets spécialisées en urologie. Qu’en est-il de l’effectif et disponibilité des médecins spécialistes en urologie, afin de répondre aux besoins des patients au niveau national ?
Globalement, on a beaucoup évolué en effectif par rapport à une dizaine d’années. Moi-même, je suis responsable de cette formation spécialisée au niveau de la faculté ou j’exerce « CHU Annaba Ndlr », mais avant de penser au nombre, à l’effectif, il faut penser à quelques choses de plus rationnelle pour dire pour quel nombre pour quel objectif et pour quel besoin. Lorsque l’on arrive à répondre à ces quelques questions et interrogations, on pourra certainement dire qu’on a besoin de tel et tel nombre d’urologues ou tel nombre d’oncologues à un moment donné.
Quelques mots ou un message pour conclure ?
Je pense qu’il faut rester optimiste, parce que, il y a une volonté politique de la part de beaucoup d’algériens. Ce n’est pas quelques choses d’étrange chez les algériens pour trouver des gens qui sont prédisposés aux changements. Le malheur, c’est que, on trouve toujours des gens qui résistent aux changements. Si on pose une question toute banale à savoir. Qui veut le changement ? tout le monde va dire oui au changement. Est si on dit qu’est prêt pour le changement ? On trouvera très peu de gens impliqués.
Interview réalisé par Amar CHEKAR